Date de la séance
07.02.2022
Première lettre d'Elméa au Prieur Joseph
Cher Prieur Joseph,
C'est le cœur serré que je vous écris, sur la table bancale d'un sinistre réfectoire dans lequel on me retient contre mon gré. La situation dépasse mes cauchemars les plus sordides : si la corruption des cités m'a toujours paru néfaste, apte à happer quiconque s'en approche sans y prendre garde, j'en fais maintenant les frais dans des proportions impensables ! Je crains de ne pouvoir garantir les fonds nécessaires à la rénovation de nos bâtisses avant longtemps - restez assuré que j'y travaille cependant aussi durement et honnêtement que possible.
Je voyage depuis plusieurs jours en compagnie d'un groupe hétéroclite, qui comprend un chasseur de voleur dextre résidant à Ubersreik, un nain gladiateur redoutable et patibulaire, une villageoise frustre mais de bonne foi et un halfling astucieux bien que malingre. À peine sommes-nous arrivés en ville qu'une rixe opposant les hommes du Duc destitué et la nouvelle garde d'Altdorf nous prit à partie. Je tentai, tant bien que mal, d'éviter la souffrance autour de moi, alors que mes compagnons de route jouaient pour la plupart de leurs poings - à l'exception du Halfling qui saisit, comme moi, la vacuité innée propre à toute forme d'agressivité. La violence engendrant la violence, nous aperçûmes dans la mêlée, un groupe de malfrats qui agressaient deux innocentes femmes, que nous nous empressâmes de maîtriser. Je dois confesser, Prieur Joseph, que le sang a coulé à cette occasion. Ma foi ne fut pas suffisante pour retenir les lames de mes compagnons d'infortune.
Lorsque le Guet intervint pour stopper les affrontements, toute la population y ayant participé fut amenée indistinctement aux cachots. Cette nuit-là, que me manquèrent les champs, les plaines et l'air pur de notre village… j'essayai de rester digne, Prieur, mais c'est la honte et la tristesse qui étreignaient - et étreignent encore - ma gorge. Comble de la disgrâce, nous fûmes ensuite menés tels d'infâmes malotrus jusqu'à la Cour, sous les huées de la foule, où un juge menaça de tous nous pendre pour des motifs fallacieux, jusqu'à l'intervention providentielle d'une avocate - Osanna Winandus - qui semble travailler pour les dames que nous avons secouru la veille. Elle négocia habilement pour commuter notre peines de mort en travail forcé au sein du Guet - trois ans, si par chance j'y survis, Prieur ! Que va-t-il advenir de notre communauté ?
Alors que j'écris ces lignes, je reviens d'une première patrouille de nuit dans les rues d'Ubersreik, durant laquelle nous avons fait bonne œuvre en secourant les habitants d'une maison en flamme. Notre sergent, Rudi Klumpenklug, est un des rares individus à ne pas nous avoir mal jugés. Son absence de moralisation fait toutefois écho à son absence de moral, car il force les pots-de-vin et s'inquiète peu du sort des petites gens - un symptôme commun à tant de Citadins. Je prie Rhya de m'offrir une issue à ce cauchemar, car mon devoir envers notre congrégation, notre communauté et ma famille ne sauraient être remplis dans une situation si précaire.
Bien à vous, Prieur Joseph,
Votre dévouée Elmea Hebamme