Date de la séance
21.03.2023
Déroulement de la séance
Les hostilités s'engagent dans l'arène décrépie où nos protagonistes et leurs alliés ont été attirés par Semerkhet. Profitant du rituel d'ouverture auquel se livrent les gladiateurs adverses, Galenus, Andromaque et Ramesh observent d'éventuelles failles exploitables pour prendre l'avantage. Sur l'estrade principale, réservée aux hôtes d'honneur, Semerketh rejoint un trio singulier : un vieil homme défraichi dont le front est ceint d'une couronne, une jeune femme lascive et décadente et un homme qu'on aurait pu prendre pour Semerketh en personne, si l'officier stygien ne se tenait pas à ses côtés. Nul doute qu'un lien de famille - aussi distant soit-il - unit ces deux individus.
le Prince Meketre
Le félon annonce alors le début des "jeux" - le signal que la mêlée peut commencer. Notre trio de choc s'illustre par sa férocité sans borne, mais leurs alliés - les anciens esclaves - peinent à se défaire des gladiateurs qui fondent sur eux. En vérité, c'est eux qui tombent comme des mouches, si bien qu'au moment où s'effondre le dernier agresseur, il ne reste plus qu'un esclave émancipé en vie auprès de nos héros. Ces derniers sont, cependant, entièrement sains et saufs - prêts à recevoir une deuxième charge, le plat de résistance, l'effroyable Gallu, la Mère Serpent. Elle ne fait qu'une bouchée - littéralement - du dernier survivant, avant de s'intéresser à nos héros. Ceux-ci prennent l'initiative. Le combat ne dure qu'une poignée de secondes. Galenus crible le monstre de flèches bien ajustées, Ramesh saisit une lame affutée et lui inflige quelques blessures, Andromaque se libère de la bouche du monstre et lui assène des coups de son puissant cimeterre à deux mains. Grièvement blessée, la créature tente de battre en retraite, mais un dernier trait de Galenus met un terme à son existence.
La Forteresse de Tothmekri
La foule, jusqu'ici extatique, se fend d'un silence aussi lourd que menaçant. La Mère Serpent était appréciée. Alors que la grogne et l'indignation montent dans les gradins, le quasi-sosie de Semerketh y coupe court : il félicite ses "invités" et les convie à les rejoindre au sein de la forteresse. Nos baroudeurs traversent ainsi des tunnels pour déboucher sur la cour intérieure du complexe, où des serviteurs et courtisans les observent depuis leurs logis. Ils sont ensuite guidés vers une salle gigantesque munie d'un bain chaud, où l'on les laisse se délasser quelques temps. Meketre les rejoint, et leur tient un discours dont les grandes lignes s'articulent ainsi :
Je me dois de vous parler franchement et de vous faire une offre. Comme vous le voyez, ma position à la cour est des plus curieuses. Apophis règne sur l'île de Nesus, mais ce n'est pas un Stygien, et il n'est pas convenable qu'un membre de la lignée de Tothmekri s'incline devant un roi. Il m'est impossible de retourner sur le continent pour réclamer mon héritage. Je ne peux pas le frapper, par crainte des loyalistes qui se déplacent à l'insu de la cour, et de ceux qui ne me soutiendraient pas si je revendiquais le trône moi-même.
"Quant à notre histoire... oui, c'est la demeure du prince Tothmekri de Khemi, autrefois héritier du trône de Stygie. La trahison a retourné son père, le Pharaon, contre lui, et il a été obligé de fuir avec sa famille à travers la mer de l'Ouest jusqu'à cette île, Nesus. Il en avait entendu parler dans une tablette d'argile en ruine trouvée dans les archives de Khemi. Tothmekri emporta avec lui sa richesse considérable, des navires chargés d'or et de bijoux, ainsi que suffisamment de gardes et de serviteurs pour survivre pendant des décennies. Ils ont à peine atteint l'île et peu après, ont revendiqué cette forteresse. Il s'agissait sans doute d'un ancien avant-poste de l'empire d'Achéron, peut-être plus ancienne encore. Les habitants de l'île, peu nombreux, n'en ont pas moins conservé l'endroit, un peuple curieux, épargné par le mouvement du monde et le tournant des âges."
"Tothmekri était, je l'admets, un fou. Il a perdu la raison en exil et a brûlé son vaisseau amiral pour empêcher tout retour. Il a pris l'une des natives de l'île pour compagne et a engendré mon propre père. Mais il finit par trouver la mort lorsqu'un groupe de pirates a surgi de la mer. Était-ce le hasard qui les guidait ? Cela, nous ne le saurons jamais. Ils ont pris d'assaut la forteresse et ont tué nombre de nos ancêtres, le reste de la maisonnée s'étant réfugiée dans les tunnels volcaniques qui courent sous l'île. Nos ancêtres retournèrent ainsi dans un palais pillé, mais une grande partie de leur richesse était cependant cachée, et elle l'est toujours. Des années plus tard, notre peuple ne s'est toujours pas remis de ce raid infâme."
"Quant à la situation actuelle ... Tothmekri, bien que prince, n'avait aucun intérêt à revendiquer cette île, la considérant comme indigne de lui. Il a juré au "roi" de l'île qu'il ne resterait qu'un invité, et ainsi sa maison est venue servir un roi héréditaire, dont vous avez rencontré le descendant. En ces temps révolus, une malédiction a été lancée, un marché a été conclu entre toutes les parties concernées, selon lequel si l'un des descendants de Tothmekri trahissait ce pacte et revendiquait le trône sans y être légitimement autorisé, une malédiction s'abattrait sur lui."
"Le roi Apophis, cependant, n'a pas d'héritier mâle, et ne me désignera pas comme prochain roi. Je ne veux pas risquer que la malédiction s'abatte sur ma tête en m'opposant à lui, et je viens donc vous faire une proposition. Si quelque chose devait arriver au roi, s'il devenait incapable de gouverner... alors la couronne reviendrait à son unique enfant... la princesse Hequet."
"J'ai les moyens de vous libérer de la malédiction de ce joyau. Hequet n'est pas étrangère aux arts magiques, elle a accès aux secrets de son père. Si elle vous aide, vous ne serez peut-être plus jamais attirés dans l'au-delà."
"Quant à mon cousin apparent Semerkhet, je suis convaincu qu'on ne peut pas lui faire confiance. Il est venu à nous et a été capturé en train de rôder. Seule sa ressemblance avec moi l'a maintenu en vie. L'ombre de Tothmekri m'a dit que je devais m'attendre à votre arrivée, et quand on lui a demandé, Semerkhet vous a livré en pâture aux jeux sanglants qu'Apophis continue d'exiger."
Notre trio reste perplexe, bien que chacun feigne d'accepter l'offre. Les fronts sont nombreux : entre Semerketh en solitaire, Meketre et la princesse Heqet, le Roi Apophis et sa Cour, les Corsaires Noirs dans la jungle… tout indique qu'un conflit brutal se prépare. À la suggestion de Meketre, le groupe visite le château sous bonne garde, tout du moins les zones accessibles. Une rencontre organisée avec Semerketh permet de calmer les tensions et d'établir une alliance profitable à chacun, bien que le plan du Stygien pour se rapprocher d'Apophis nécessite encore beaucoup de temps. D'autres événements mineurs émaillent la soirée :
- un captif se fait amener dans les quartiers des serviteurs par des gardes et une femme de Cour ;
- un garde est retrouvé mort, une flèche kushite plantée dans son torse, preuve de la présence des Corsaires Noirs à proximité ;
- les décorations murales font penser qu'au moins trois cultures se sont succédées sur place : les Stygiens, les Achéroniens et une ethnie encore plus ancienne ;
- la tour de guet offre une vue imprenable sur l'ensemble de l'île, à l'exception de la partie cachée par le Volcan éteint.
Le groupe profite de la fin de la nuit pour prendre un repos bien mérité dans ses appartements luxueux. Au petit matin, les serviteurs de la Forteresse leur offrent un bain et des vêtements de grande qualité pour assister à un repas en compagnie du Roi Apophis en personne. La tablée accueille un grand nombre d'individus - des courtisans, la princesse Heqet, le Roi, Meketre et même Semerketh, qu'on assoie non loin de son cousin. Tous deux n'apprécient d'ailleurs guère l'ironie. Le repas va cependant bon train, Heqet montrant un fort intérêt pour le passionnant prêtre Vendhyan, même si Andromaque ne donne pas sa place lorsqu'il s'agit d'épater la galerie de ses histoires de marin. Galenus, comme de juste, reste cependant bien plus en retrait. Manifestement pressé et mal organisé, Meketre avertit Ramesh que les "armes" seraient bientôt là, laissant entendre qu'il compte mener son coup d'état immédiatement, au grand dam de l'équipe. La situation évolue dans une direction inattendue : un duo de gardes amène une large boite en bois ouvragée, dans laquelle on peut deviner la présence des armes mentionnées par Meketre, mais il est suivi par un second tandem qui ramène le vieux M'Wangele - sans doute capturé dans la jungle - et son bâton à tête de chat. D'un doigt oint de liqueur, Le vénérable sage s'empresse de dessiner sur la table une série de mots étranges, qu'il montre à Galenus :
Ka nama kaa lajerama
Pendant ce temps, Meketre découvre qu'il a été trahi : en lieu et place des armes qu'il attendait, le sarcophage de bois ne contient que la dépouille momifiée de son ancêtre Tothmekhri, exhibé comme un vulgaire colifichet devant les convives. Heqet se moque de lui, alors qu'Apophis déclare avoir percé à jour la trahison de Meketre et s'apprête à lui infliger une punition exemplaire, ainsi qu'à ses conjurés. Alors que la situation s'apprête à déraper, M'Wangele demande à Galenus de répéter les mots inscrits sur la table à voix haute. À peine ceux-ci sont prononcés qu'une partie des convives - dont Heqet et Apophis - sont saisis d'une douleur insondable, laquelle les force à dévoiler leur véritable apparence : celle d'ignobles serpents humanoïdes. Les convives encore humains - Meketre compris - sont pris d'effroi, et Apophis en profite pour sortir l'Oeil d'Achéron de sa robe, et l'utilise pour plonger Ramesh, Andromaque et Galenus dans le monde sous-terrain.
Là, le groupe se réveille auprès d'une Thyra toujours plus confuse. Elle peine à se souvenir de son emplacement "réel", la notion même du temps semble lui échapper. Tout au plus se souvient-elle des bruits d'une rue fort peuplée dans une grande métropole. Puis d'un voyage en carrosse à travers le désert. Puis d'une dispute entre son ravisseur et ses conducteurs : la Vallée de Set. C'est un lieu qu'ils ont mentionné, et l'endroit probable où ils se rendent.
Le chemin le long de la Rivière des Âmes touche à sa fin, alors que le groupe pénètre dans une vaste salle richement décorée - la Salle du Jugement - où ils sont accueillis par Antaeus. L'érudit les informe que la négociation du sorcier a commencé. Au fond, deux statues de Dieux Achéroniens entendent la plaidoirie du sinistre Xosāth, qui déclare ne s'excuser de rien et ne reconnaître aucun pêché. Il offre l'âme de Tothmekhri en compensation, cependant que son âme noire emplit à ras bord l'un des deux lourds plateaux de la balance des âmes. Cette âme, bien que modérément pure en comparaison de celle de son tortionnaire, ne suffit pas à équilibrer le résultat. Cependant, le Prince, digne héritier de Stygie, propose plutôt de prendre son descendant à sa place. Il se montre surpris quand les Dieux font entrer non pas une, mais deux âmes dans la salle : celles de Semerketh et de Meketre. Face au silence appréciatif du lâche Tothmekri, les Dieux prennent à parti nos héros. Il leur revient de décider lequel des deux héritiers stygiens méritent de brûler en enfer. Galenus, Ramesh et Andromaque refusent de vouer la moindre âme à la torture éternelle, de même qu'Anteus et Thyra. Malheureusement, les Dieux achéroniens sont connus pour être impitoyables, sinon cruels : ils arrachent les âmes des bienpensants pour les livrer à la balance, puisqu'aucun ne souhaite céder. Nos héros s'apprêtent à vendre chèrement leur peau par désespoir, mais Antaeus les prend de vitesse. S'adressant aux Dieux en Achéronien, il se déclare volontaire pour l'Enfer, en espérant que son âme seule suffira à équilibrer la balance malgré sa lignée sans importance. Les divinités accèdent donc à sa requête. Alors que l'âme de l'érudit atteint le second plateau, la balance s'équilibre, prouvant la pureté d'Antaeus suffit à compenser l'ignominie de Xosāth. Dans un dernier adieu, le Messantien implore ses ouailles de pourchasser le sorcier maléfique et de l'abattre lorsqu'il se réincarnera en chère et en os. À ces mots, il disparaît à tout jamais.
La Salle du Jugement
Enfin libéré de son tourment, Tothmekri n'a guère le temps de remercier ses sauveurs que déjà, tous sont ramenés dans le monde réel - bien que son retour se passe dans la douleur, à en croire son hurlement d'effroi. Lorsque le groupe se réveille, la situation a dégénéré au-delà de toute attente : les Corsaires Noirs sont passés à l'assaut, les courtisans sont terrifiés, les gardes protègent le Prince Meketre, Semerketh se défend comme un beau diable, et personne ne remarque le doigt momifié de Tothmekri qui s'anime frénétiquement au milieu de la cohue…